Troubles psychiques, cancer et résilience

Le trouble psychique rend-il résilient ? L’exemple du cancer

Le cancer, maladie universelle par son impact, bouleverse la vie des patients, tant sur le plan physique que psychologique. Lorsqu’il survient chez une personne déjà atteinte de troubles psychiques, la gestion de cette double épreuve révèle des dimensions inédites de résilience et d’adaptation. Entre les défis des diagnostics tardifs et les mécanismes d’adaptation psychologique, ces situations illustrent la complexité et la force de l’esprit humain face à l’adversité.


1. Cancer et troubles psychiques : des défis spécifiques

Les troubles psychiatriques, tels que la schizophrénie, augmentent l’exposition à des facteurs de risque comme les addictions (tabac, alcool, etc.), qui favorisent l’apparition de cancers. En conséquence, les personnes atteintes de maladies psychiques présentent souvent une incidence de cancer plus élevée que la population générale. Pourtant, ces patients sont aussi confrontés à des obstacles dans la détection précoce de la maladie :

  • Déni et tardiveté des diagnostics : Le cancer est parfois perçu comme une plainte somatisée, rendant difficile sa reconnaissance par les patients, leurs proches ou même le corps médical.
  • Tolérance des addictions : Ces comportements, souvent vus comme un palliatif émotionnel, freinent la prévention active.
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2. Résilience et adaptabilité psychique face au cancer

Paradoxalement, les personnes souffrant de troubles psychiques démontrent parfois une combativité et une résilience étonnantes face au cancer. Le déni initial, bien qu’il puisse retarder le diagnostic, permet de construire un récit alternatif, dissociant la maladie de soi. Cette dissociation diminue l’anxiété et favorise une posture plus proactive.

De plus, ces patients témoignent souvent :

  • D’une tolérance accrue aux traitements lourds, grâce à des mécanismes de gestion du stress intégrés.
  • D’une capacité à renforcer les liens affectifs, particulièrement en période de crise, ce qui peut même atténuer certains symptômes psychiques.

3. L’importance des aidants dans la lutte contre la maladie

Le soutien familial et professionnel est un pilier essentiel dans le parcours contre le cancer. Cependant, les familles déjà éprouvées par la gestion des troubles psychiques manquent parfois de ressources pour accompagner efficacement ces patients.

De plus, le cloisonnement des approches entre santé mentale et cancérologie complique les soins :

  • Les oncologues sont peu formés aux spécificités des troubles psychiques.
  • Les équipes psychiatriques manquent souvent d’expertise sur les protocoles oncologiques.
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4. Cancer et troubles psychiques : un lien dialectique

Si le cancer est plus fréquent chez les personnes atteintes de troubles psychiatriques, il peut aussi déclencher ou révéler des troubles psychiques chez les malades ou leurs proches. Pourtant, cette interaction ouvre la voie à un cercle vertueux :

  • Mieux accompagner l’esprit du malade favorise la guérison physique.
  • La confrontation au cancer incite souvent les patients à développer de nouvelles ressources psychologiques.

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5. Le lien humain, clé de la résilience

Les études montrent que la qualité des liens sociaux influence fortement la guérison. Une expérience historique de Bruce Alexander (1978) sur des souris a démontré que l’intégration sociale réduisait les comportements addictifs, soulignant l’importance de l’environnement dans la gestion des conduites à risque.

Chez les patients en milieu rural, souvent éloignés des centres de soin, l’utilisation d’outils numériques pour maintenir le lien avec leurs aidants s’est révélée bénéfique, comme l’a illustré le cas de Nathalie, une patiente du foyer « La Passerelle ».


Apprendre des troubles psychiques face au cancer

Les mécanismes psychologiques développés par les personnes atteintes de troubles psychiatriques face au cancer, tels que la dissociation et la construction de récits alternatifs, offrent des enseignements précieux sur la résilience. Si le cancer symbolise souvent une rupture, il peut aussi être un catalyseur de liens sociaux et d’apprentissages émotionnels pour les malades comme pour leur entourage.

Le projet CAHP est mené par Anastasia Meidani, professeure en sociologie affiliée au LISST (Laboratoire Interdisciplinaire Solidarités, Sociétés, Territoires) de l’Université Toulouse-Jean Jaurès. Ce projet est financé par la Fondation Internationale de Recherche Appliquée sur le Handicap (FIRAH) et se concentre sur les interactions entre troubles psychiques, résilience et maladies graves, telles que le cancer. Il mobilise une approche interdisciplinaire combinant sociologie, santé publique et sciences humaines pour explorer ces thématiques complexes.

En savoir plus : https://cancer-handicap.fr/

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