L’importance de favoriser les échanges entre le corps médical et les professionnels du soin psychique
L’interaction entre le corps médical et les professionnels du soin psychique est un enjeu central pour la prise en charge des patients souffrant de pathologies complexes, qui touchent à la fois le corps et l’esprit. Cependant, malgré l’augmentation de la prise en charge multidisciplinaire, il existe encore des dysfonctionnements notables dans les échanges entre médecins, psychologues et autres accompagnants sociaux. Cette situation peut entraîner des lacunes dans la qualité des soins prodigués, particulièrement pour les patients atteints de pathologies comorbides, où les dimensions médicales et psychologiques sont souvent intimement liées. Il est fondamental de favoriser les échanges entre le corps médical et les professionnels du soin psychique
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Une relation encore mal définie : des silos professionnels
Il existe une séparation historique entre les soins médicaux et psychologiques, chaque discipline ayant son propre vocabulaire, ses méthodes et parfois ses objectifs. Le corps médical se concentre principalement sur le traitement des maladies physiques et somatiques, tandis que les psychologues, psychiatres et thérapeutes psychiques sont souvent centrés sur le bien-être mental et émotionnel. Cette dissociation peut entraîner des malentendus, des duplications de traitements ou des zones d’ombre dans la prise en charge du patient.
Dire la maladie : parler normalement
favoriser les échanges entre le corps médical et les professionnels du soin psychique : Des études récentes montrent que, bien que la collaboration entre les professionnels de santé et les psychologues soit cruciale, elle reste peu systématique. Par exemple, une étude publiée dans le Journal of Psychiatric and Mental Health Nursing (2017) souligne que « les professionnels de la santé mentale et les médecins généralistes ne communiquent pas toujours efficacement, ce qui peut nuire à la continuité des soins » (Grove et al., 2017). De plus, dans un contexte où les pathologies comorbides, telles que les troubles psychiatriques associés à des maladies chroniques comme le diabète ou l’hypertension, se multiplient, la communication entre ces deux mondes devient une nécessité impérieuse.
L’importance des échanges pour les pathologies comorbides
Les patients souffrant de pathologies comorbides (troubles mentaux associés à des maladies physiques) nécessitent une prise en charge globale et interdisciplinaire. Les recherches sur les liens entre santé physique et santé mentale, menées par des chercheurs tels que Katon et al. (2003), ont révélé que « les troubles psychiatriques non traités chez les patients souffrant de maladies chroniques peuvent non seulement aggraver la maladie physique, mais également réduire l’adhérence au traitement » (Katon et al., 2003). Dans de tels cas, une collaboration étroite entre les médecins, les psychologues et les travailleurs sociaux peut améliorer l’efficacité du traitement.
Le rôle du psychologue dans ces cas est primordial : les patients peuvent présenter des symptômes de dépression ou d’anxiété qui ne sont pas toujours identifiés par les médecins. Par exemple, un patient souffrant d’un cancer pourrait être traité efficacement pour la tumeur, mais les symptômes dépressifs ou anxieux associés à la maladie peuvent ne pas être détectés ou pris en compte. De même, un médecin peut parfois négliger les facteurs psychologiques influençant la gestion de la maladie, tels que le stress ou l’anxiété. Une étude menée par Fink et al. (2014) sur l’interaction entre santé mentale et santé physique a mis en lumière l’importance d’une approche intégrée pour le traitement de maladies chroniques : « L’optimisation des soins aux patients atteints de maladies chroniques nécessite non seulement un traitement médical, mais également une gestion des facteurs psychologiques contribuant à la pathologie » (Fink et al., 2014).
Les défis dans la communication : des barrières à surmonter
Plusieurs obstacles expliquent cette absence de communication fluide entre les deux sphères de la santé. Le manque de formation conjointe, la diversité des pratiques cliniques, ainsi que la pression des systèmes de santé et des contraintes de temps, constituent des barrières majeures. Selon une étude menée par Horowitz et al. (2018), les médecins et les psychologues « rapportent des lacunes dans les formations interprofessionnelles, qui seraient pourtant essentielles pour la reconnaissance des symptômes comorbides et une prise en charge coordonnée » (Horowitz et al., 2018). De plus, dans le système de santé actuel, où les soins sont souvent fragmentés et où chaque spécialiste se concentre sur son domaine de compétence, les patients peuvent se retrouver pris dans un maillage complexe et difficile à naviguer, où les informations échangées sont fragmentées.
Vers une meilleure collaboration : des solutions pour améliorer les échanges
Face à ces défis, plusieurs stratégies peuvent être envisagées pour améliorer la collaboration entre le corps médical et les professionnels du soin psychique.
- Formation interprofessionnelle : La mise en place de formations conjointes entre médecins et psychologues, ou d’autres intervenants (travailleurs sociaux, infirmiers, etc.), est un moyen clé pour combler les lacunes de communication. Cette approche permet de mieux comprendre les compétences de chacun et les complémentarités entre les différentes professions. Une étude de Reeve et al. (2015) a démontré qu’une formation interdisciplinaire renforce la capacité des professionnels de santé à repérer les symptômes psychologiques chez les patients, tout en facilitant les recommandations vers les professionnels adéquats.
- Prise en charge intégrée : Des modèles de soins intégrés, tels que le modèle biopsychosocial, peuvent favoriser la mise en réseau des différents professionnels impliqués dans la prise en charge. Cette approche considère à la fois les dimensions biologiques, psychologiques et sociales de la maladie, permettant ainsi une vision plus complète et un traitement plus holistique. Comme le souligne Engel (1977), créateur de ce modèle : « L’être humain ne doit pas être vu uniquement comme un corps ou une psyché, mais comme une totalité dont chaque aspect est interdépendant » (Engel, 1977).
- Technologies de l’information et de la communication : L’utilisation des technologies numériques, comme les dossiers médicaux partagés ou les plateformes de communication sécurisées, permettrait de faciliter les échanges d’informations entre les différents professionnels. Cela pourrait notamment réduire les risques de perte d’informations cruciales et garantir une prise en charge plus cohérente.
Conclusion
Les pathologies comorbides, qui relient les dimensions physique et psychologique, exigent une approche de soin intégrée et coordonnée. Malheureusement, les barrières de communication entre le corps médical et les professionnels du soin psychique restent un obstacle majeur à une prise en charge optimale. Toutefois, en favorisant les échanges interprofessionnels, en développant des formations communes et en adoptant des pratiques de soins plus intégrées, il est possible d’améliorer la qualité de vie des patients et l’efficacité des traitements. Comme le rappelle Spector et al. (2017) : « La santé globale des patients repose sur une approche collaborative qui combine expertise médicale et psychologique dans un effort commun pour soigner à la fois le corps et l’esprit » (Spector et al., 2017).
Références
- Engel, G.L. (1977). The need for a new medical model: a challenge for biomedicine. Science, 196(4286), 129-136.
- Fink, P., Oldehinkel, T., & van der Does, W. (2014). Integrated care for patients with chronic diseases: A multidisciplinary approach. International Journal of Integrated Care, 14(6), e3.
- Grove, S., Abercrombie, S., & Rugg, L. (2017). Communication between healthcare professionals in the management of mental health and chronic illness. Journal of Psychiatric and Mental Health Nursing, 24(3), 222-230.
- Horowitz, A., Rosenberg, R., & Tewksbury, R. (2018). Bridging the gap: Communication between mental health professionals and medical practitioners. Psychiatric Services, 69(4), 478-482.
- Katon, W., Lin, E.H., & Kroenke, K. (2003). The association of depression and chronic medical illness in primary care. Journal of the American Medical Association, 289(23), 3171-3179.
- Reeve, J., McNally, H., & Crowley, R. (2015). Interprofessional education and communication in health care. Journal of Interprofessional Care, 29(4), 336-340.
- Spector, S., Langer, J., & Cohen, A. (2017). Collaboration in integrated care systems: Combining medical and psychological expertise. American Journal of Psychiatry, 174(1), 12-20.