L’erreur en science : Une voie vers la découverte
L’erreur en science a longtemps été perçue comme une faute ou un échec à éviter, en particulier dans un monde où l’efficacité et la performance dominent. Pourtant, dans le domaine scientifique, les erreurs jouent un rôle crucial. Elles sont rarement des impasses, mais souvent des jalons sur le chemin de la découverte. En adoptant une logique d’essai-erreur, la science avance, s’ajuste, et innove. Cette perspective invite à revaloriser l’erreur non seulement dans les laboratoires, mais aussi dans notre quotidien.
L’erreur comme tremplin scientifique
1. Alexander Fleming et la pénicilline
En 1928, Alexander Fleming découvre par hasard la pénicilline en laissant accidentellement un plat de culture bactérienne exposé à l’air libre. Une contamination par un champignon a inhibé la croissance des bactéries. Ce qui aurait pu être considéré comme une erreur d’hygiène dans son laboratoire a conduit à l’une des plus grandes avancées médicales de l’histoire : la découverte des antibiotiques.
« Dans la recherche scientifique, le hasard ne favorise que les esprits préparés. » – Louis Pasteur
Cette citation souligne l’importance de la préparation et de la compétence dans la capacité à reconnaître et exploiter des découvertes inattendues. L’apprentissage ne doit pas être focalisé sur le fait de ne pas faire d’erreur, mais sur nos capacités à apprendre d’elles, à s’y préparer. On pourrait presque définir le protocole scientifique (avec l’utilisation de témoins) comme des « tests d’erreurs ». Le chercheur va volontairement itérer des tentatives, dont il sait que la plupart seront infructueuses, afin d’acquérir des connaissances supplémentaires issues de ces erreurs. Le chercheur est alors vu comme un « professionnel de l’erreur ».
Appliqué à nos vies quotidiennes, cela signifierait que le progrès pourrait venir non pas de notre capacité à éviter les erreurs, mais au contraire à les provoquer ! Bonne nouvelle, non ?
2. Les Post-it : une erreur utile
En 1968, Spencer Silver, chimiste chez 3M, tentait de créer une colle ultra-forte. Son expérience échoua, donnant une colle faible et repositionnable. Bien que considérée initialement inutile, cette découverte inattendue a abouti à l’invention des célèbres Post-it, aujourd’hui indispensables dans le monde entier. Ici, l’erreur est un échec, c’est à dire qu’elle produit le résultat opposé au résultat souhaité. Or, l’opposé d’un résultat est lui-même un résultat. Rester vigilant quand à l’utilité potentielle de nos erreurs est donc fondamental… À noter sur un post-it ?
3. Le facteur X
Wilhelm Röntgen découvre les rayons X en 1895 alors qu’il étudiait les courants électriques dans des tubes cathodiques. La luminescence d’un écran recouvert de platine-cyanure de baryum, située à proximité, l’a surpris. Ce phénomène inattendu, résultat d’une configuration non planifiée, a ouvert une nouvelle ère en médecine diagnostique. Dans cet exemple, l’erreur est « hors champ », elle se situe à l’extérieur de notre champ de perception précédent. Elle peut donc ouvrir de nouveaux horizons, et semble indispensable pour la créativité :
« Allez, faites des erreurs intéressantes, faites des erreurs incroyables, faites des erreurs glorieuses et fantastiques. Brisez les règles. Laissez le monde plus intéressant grâce à votre présence. »
Neil Gaiman valorise ici l’erreur comme un acte intrinsèque de créativité et de progrès, invitant chacun à embrasser ses imperfections comme un levier de transformation.
Essai-erreur : une méthode féconde
Contrairement à une logique linéaire, l’approche d’essai-erreur est itérative. Les erreurs permettent de :
- Corriger et affiner les hypothèses : L’erreur fournit des données cruciales pour réajuster les modèles scientifiques.
- Encourager la créativité : En explorant des chemins non prévus, des solutions innovantes émergent.
- Enrichir la résilience mentale : Accepter les erreurs comme des opportunités favorise une approche positive face à l’échec.
4. L’évolution par l’erreur
Les pionniers comme les frères Wright ont connu de nombreux échecs avant de réussir à faire voler leur avion en 1903. Chaque chute, chaque test infructueux leur a permis de perfectionner leur conception. L’erreur peut également être souhaitable dans un processus d’ajustement permanent. Par opposition, le « succès » ou la réussite ne sont que des étapes de validation d’un point de passage, elles ne sont pas productives en elle-même. En somme : l’échec est bien plus souhaitable que la réussite, car productrice de davantage de valeur. Elle est un point de bascule vers un autre espace d’expérimentation ou une autre connaissance, quand la réussite, elle, est un point focus sans continuation.
Une leçon pour la vie quotidienne
Dans nos vies personnelles et professionnelles, l’erreur devrait être vue comme une expérience formatrice :
- Apprentissage scolaire : Encourager les enfants à faire des erreurs favorise un apprentissage actif. Selon Carol Dweck (Mindset: The New Psychology of Success), adopter une mentalité de croissance implique d’accueillir l’erreur comme une opportunité d’amélioration.
- Innovation en entreprise : Les méthodologies agiles, largement adoptées dans les startups technologiques, s’appuient sur des cycles rapides d’essais et de corrections pour produire des solutions adaptées.
Revaloriser l’erreur
L’erreur en science, loin d’être une défaillance, est une étape vers la connaissance. Le physicien Niels Bohr l’a résumé ainsi :
« Un expert est une personne qui a fait toutes les erreurs possibles dans un domaine précis. »
En adoptant cette philosophie, nous pouvons cultiver une approche plus flexible et exploratoire, tant en science qu’en société. L’erreur n’est pas une fin, mais le début d’une nouvelle compréhension…
Alors si vous faîtes beaucoup d’erreurs dans vos vies, tout va pour le mieux : vous avez été bien éduqué, et votre dynamique de recherche portera bientôt ses fruits !
Références
- Dweck, Carol S. Mindset: The New Psychology of Success. Random House, 2006.
- Pasteur, Louis. Discours de réception à l’Académie française, 1882.
- Kaku, Michio. Physics of the Future: How Science Will Shape Human Destiny. Doubleday, 2011.
- Article du CAIRN