La question de la Beauté en Communication Scientifique
Art et science : depuis la nuit des temps, la beauté des œuvres d’art fascine et influence les perceptions humaines autant que l’ingéniosité des découvertes qui transforment notre quotidien. Pourtant, au premier regard, la seconde semble bien plus « utile » que la première. Cette quête de beauté n’a jamais semblé plus éloignée de la communication scientifique qu’aujourd’hui, ou elle reste souvent considérée sous le prisme de l’utilité (usages), de la qualité (performance), et rarement de l’esthétique. Qu’il s’agisse d’objets artistiques purs ou de réalisations intellectuelles utilisables, la beauté en communication scientifique mérite-t-elle une réflexion approfondie ?
La Beauté en sciences : utilité ou qualité ?
Pour Platon, la beauté est inséparable de l’utilité. Dans Le Banquet, il avance que ce qui est beau est ce qui « accomplit parfaitement sa fonction » (Platon, 380 av. J.-C.). Cela invite à se demander si la communication scientifique remplit ses fonctions en offrant une diffusion claire et efficace des savoirs. Parfois, les chercheurs se limitent à un simple partage d’informations, une sorte de « compte-rendu bureaucratique », comme le critique Pierre Bourdieu dans Homo Academicus(1984), ne permettant pas à leur communication de transcender son objet pour atteindre la qualité esthétique.
La notion d’utilité dans la communication scientifique se manifeste notamment lorsque l’information n’est pas simplement transmise, mais comprise et partagée avec un public plus large. Comme le souligne Dominique Wolton, « informer n’est pas communiquer » (Sauver la communication, 2005). Pour que la communication scientifique soit perçue comme belle, elle doit être construite avec soin, répondre aux attentes du public, et s’inscrire dans une démarche d’échange plutôt que de simple transmission unilatérale.
Le projet OHME, qui réunit scientifiques et artistes
Liberté et Vérité dans la Beauté Scientifique
Kant, dans sa Critique de la faculté de juger (1790), définit la beauté comme libre de toute finalité… soit tout à fait le contraire de Platon ! Appliquée à la communication scientifique, cette idée pose la question de la liberté d’expression dans la diffusion des savoirs. Est-il possible de communiquer librement et sans contrainte ? Hélas, certaines communications scientifiques subissent des pressions politiques ou économiques, limitant leur liberté. Surtout, et nous sommes chez « trois petits points » au coeur du débat, des pressions liées à la communication, au marketing ou à la politique.
La censure ou l’omission d’informations essentielles déforme alors la réalité, et enlève à la communication toute sa beauté, qui réside, selon Hegel, dans la vérité. Pour lui, « le beau est la manifestation sensible de l’idée » (Esthétique, 1835), et donc indissociable de la vérité. Nous venons de citer trois auteurs, et, déjà, trois visions presque opposées : on peut en effet imaginer une communication scientifique qui soit bien faite sans être ni libre ni vraie, une autre qui soit libre sans être ni bien faîte, ni vraie, et enfin une qui soit vraie sans être ni bien faîte, ni libre… Ha… ces philosophes … jamais d’accord entre eux !
Pour Hegel donc, une communication scientifique ne peut donc être qualifiée de belle que si elle est honnête et transparente. La manipulation des résultats ou l’usage de termes vagues peuvent certes séduire, mais ils ne contribuent pas à l’édification d’une véritable communication scientifique. Comme l’a écrit Umberto Eco, « la vérité est ce que nous avons à voir, et à dire, telle qu’elle est » (L’Île du jour d’avant, 1994). Une bien belle utopie ! Et pourtant, une communication biaisée ne pourra jamais atteindre la beauté, car elle trahit la confiance et la compréhension mutuelle entre les chercheurs et le public.
Art et Science, Esthétique et Communication : Une Question d’Éthique
La beauté en communication scientifique ne doit donc pas être purement ornementale. Elle doit être fondée sur une démarche éthique qui garantit la qualité et la véracité des informations. Ainsi, pour qu’une communication scientifique soit jugée belle, elle doit répondre à trois critères essentiels : utilité, liberté, et vérité. Ces trois piliers permettent à la beauté de la communication scientifique d’émerger non pas seulement dans la forme, mais dans le fond, en servant des objectifs précis et en respectant la rigueur scientifique.
Burke, lui, va-t-il nous mettre tous d’accord ? Son nom ne le laissait pourtant pas présager sur cette thématique ! Il évoque dans son Enquête philosophique sur l’origine de nos idées du sublime et du beau (1757) que la beauté repose sur une harmonie subtile entre plaisir et utilité. Appliqué à la communication scientifique, cela signifie que l’esthétique ne doit pas être dissociée de la clarté du propos. La beauté, dans ce cas, est synonyme de transparence, de pertinence, et de respect des faits.
Voir une vidéo abstraite pour expliquer les couleurs à un public jeune
Y a-t-il un Art de la Communication Scientifique ?
La communication scientifique « belle » ne se contenterait donc pas de livrer des informations. Elle doit répondre aux critères d’utilité, de liberté, et de vérité, tout en adoptant une approche esthétique qui séduit sans tromper. Pour reprendre les mots de George Orwell dans Why I Write (1946), « une communication qui vise à être à la fois honnête et esthétique, peut atteindre une forme de beauté qui transcende l’objectif initial. » Ainsi, la beauté dans la communication scientifique n’est pas un luxe superflu, mais bien une composante essentielle de sa qualité et de sa légitimité.
En tout cas, c’est notre opinion à tous chez « Trois Petits Points »… Et vous ?
Les images de ce blog ont été réalisées à partir de visuels scientifiques (CNRS images) et de peintures à l’huile faite main (jérôme Laniau), implémentes par une intelligence artificielle (Midjourney).